Les vestiges oubliés des remparts de Tournon-d’Agenais : secrets et histoire d’une bastide fortifiée

19 octobre 2025

L’enceinte médiévale : origines et fonctions dans la naissance d’une bastide

Forteresse perchée sur sa colline, Tournon-d’Agenais fut conçue en 1271 comme une bastide, marqueur du pouvoir royal et outil de développement urbain à la frontière du Quercy et de l’Agenais. Dès sa création, la question de la défense fut centrale : Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, commanda la construction d’un ensemble défensif complet, typique de l’architecture bastidaire du Sud-Ouest.

Le plan régulier, l’organisation autour d’une place centrale et la répartition des lotissements répondaient à un double objectif : attirer de nouveaux habitants mais aussi garantir leur protection. Les remparts, alors longs d’environ 850 mètres (source : architecturefrance.fr/histoire-des-remparts-de-bastides), épousaient la forme d’un quadrilatère irrégulier, adapté au relief du plateau calcaire.

Que reste-t-il aujourd’hui des remparts ?

Plus de sept siècles ont passé. Guerres, transformations urbaines et réutilisation des pierres ont eu raison de la quasi-totalité de l’enceinte originelle. Pourtant, des traces concrètes demeurent, discrètes mais éloquentes pour qui sait les repérer. Les vestiges aujourd’hui visibles forment un fil conducteur, reliant le visiteur à l’histoire agitée de Tournon-d’Agenais.

1. La Porte de la Lède : dernier témoin d’une défense active

Seule porte subsistante parmi les quatre originelles (Porte de la Lède, Porte du Mercadiol, Porte de la Barbacane, Porte Neuve), la Porte de la Lède témoigne de l’importance stratégique accordée aux points d’accès. Il s’agit de l’un des plus anciens vestiges de la bastide :

  • Structure : un arc en plein cintre en pierre calcaire, surmontant un passage piéton et charretier.
  • Éléments défensifs : vestiges d’un assommoir, rainures de herse, et traces d’emplacement de vantaux de bois (source : Inventaire du patrimoine, Région Nouvelle-Aquitaine).
  • Situation : au nord-est de la bastide, sur le chemin vers la vallée de la Séoune et les anciens axes marchands.

Restaurée au début du XXI siècle, la Porte de la Lède permet d’imaginer le contrôle rigoureux des accès à la ville et la vigilance en temps de troubles.

2. Les murailles intégrées au bâti urbain

Si le rempart n’existe pratiquement plus à l’état isolé, de nombreux segments sont dissimulés dans les maisons qui longent la limite du bourg ancien. Les indices ne manquent pas :

  • Murs épais (jusqu’à 1,20 m par endroits) au nord et à l’est du village
  • Pierres à bossage, parfois réemployées dans des élévations plus récentes
  • Fenêtres à meurtrières ou étroites ouvertures encore visibles dans certaines caves ou greniers

La rue des Remparts (au nord-ouest) illustre cette intégration. Selon le service régional de l’Inventaire, plusieurs façades présentent un alignement caractéristique hérité de l’ancienne enceinte. On remarque notamment que la base de certains bâtiments « moderne » (seconde moitié du XIX siècle) repose sur l’assise des anciens murs fortifiés.

3. Des tours disparues, mais des traces persistantes

Quatre tours d’angle ponctuaient le rempart et servaient à la fois de points de défense et d’alerte. Aujourd’hui, leur silhouette s’est effacée, mais quelques éléments en révèlent encore la mémoire :

  • Courbes anormales dans le tracé des rues (notamment à l’est de la place de la Mairie, ancienne tour orientale)
  • Soustructures circulaires dans certaines caves et jardins privés (source : témoignages recueillis lors des journées européennes du patrimoine)
  • Photographies anciennes (début XX siècle) montrant des pans de murs plus hauts à la jonction de ruelles perpendiculaires à la place

Chronologie : dates-clés de l’évolution des remparts

ÉpoqueÉvénement marquant
1271-1300 Construction initiale des remparts, implantation des quatre portes et tours
1337-1453 Guerre de Cent Ans : attaques répétées, renforcement ponctuel des défenses
XVII siècle Déclassement du système défensif, remparts partiellement intégrés à l’habitat
1789-1830 Révolution et extension urbaine : destruction de la plupart des portes et démantèlement des tours et courtines
XX siècle Réédification en partie de la Porte de la Lède et des éléments de la muraille pour sauvegarde patrimoniale

Anecdotes et usages détournés des remparts au fil du temps

  • Après la Révolution, les pierres des remparts furent employées à l’édification de maisons bourgeoises et de murets périphériques, un phénomène courant dans le Lot-et-Garonne (Source : Archives départementales 47).
  • Jusque dans les années 1950, la « Rue des Fossés » marquait le tracé extérieur de la muraille : elle évoque l’emplacement de l’ancien fossé défensif qui ceinturait la ville côté sud.
  • Les jardins privés à l’Est du village cachent, parfois, des fragments de courtines recouverts par la végétation, dont certains servent aujourd’hui de support à la vigne ou à des poulaillers.

L’impact patrimonial : redécouvrir une mémoire défensive vivante

La mémoire des remparts façonne encore la topographie du village : la circulation suit des axes dictés par les anciennes portes, et la forme close du noyau médiéval est perceptible vue du ciel.

L’intégration progressive de ces vestiges à la vie moderne pose de réelles questions : faut-il sauvegarder intégralement les rares pans de murailles, ou bien continuer à vivre avec ce patrimoine en le laissant discrètement modeler le paysage urbain ? À Tournon-d’Agenais, le respect des traces anciennes n’empêche pas la vie locale de s’y inscrire naturellement.

L’importance des vestiges des remparts : comprendre Tournon d’Agenais autrement

Pour le visiteur curieux ou l’amateur d’histoire, arpenter Tournon-d’Agenais en suivant la trace de l’enceinte médiévale est une expérience sensible. Les vestiges des remparts sont peu spectaculaires à première vue, mais ils offrent une clef de lecture unique : celle d’un village qui a su traverser les tumultes de l’histoire sans jamais perdre sa douceur de vivre. Comprendre leur place, c’est aussi saisir la logique des espaces, l’épaisseur du temps, et la relation continue entre un patrimoine et ses habitants.

Pour ceux qui souhaitent approfondir, le dossier de l’Inventaire général du patrimoine culturel (Région Nouvelle-Aquitaine), ainsi que l’ouvrage Bastides du Lot-et-Garonne de J. Salvan, constituent deux sources précises et accessibles.

À Tournon-d’Agenais, la muraille n’est plus un obstacle, mais une invitation à regarder le village autrement : la preuve que la douceur de vivre et la richesse patrimoniale se conjuguent ici, sur de solides fondations.

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